Xavier Forneret

Né en 1809 à Beaune (Côte-d’Or), mort en 1884 dans la même ville.

Xavier Forneret, écrivain, rentier et violoniste.

Il jouait parfois de son instrument toute la nuit, afin de bercer (ou de troubler) le sommeil de la France profonde. Ce « franc-tireur » du romantisme collectionnait les bizarreries et pratiquait l’humour noir. Il aurait volontiers placé des boîtes aux lettres à l’entrée des cimetières, pour le courrier de l’au-delà... Naturellement, cet excentrique ne s’habillait pas comme tout le monde, et cela renforçait les soupçons de ses contemporains. Avec Aloyius Bertrand, Alphonse Rabbe et Pétrus Borel, Forneret figure parmi ces « petits romantiques » qui vont à la soupe populaire de la célébrité posthume. Heureusement, les surréalistes l’ont tiré quelque temps de la misère.

André Breton l’a mis dans son Anthologie de l’humour noir et l’a nommé surréaliste d’honneur. C’est, sans doute, un statut comparable à celui que reçoivent les présidents « honoraires » des clubs de football ou des sociétés de bienfaisance... L’auteur de Nadja avait l’habitude de « naturaliser » ou d’annexer ainsi les gens. Ainsi Forneret s’est-il retrouvé entre Swift et Kafka, et dans le voisinage de De Quincey. Rien de moins.

De la même génération que Nerval et Musset, Xavier naquit à Beaune, le 16 août 1809, quelques semaines après la victoire de Wagram. Sa mère s’appelait Eléonore Philiberte Emilie, ce qui vous prédestines sûrement à l’extravagance. En 1832, le jeune homme monta non pas à Paris mais à Dijon. C’était déjà quelque chose. Ayant hérité de son père, il était assez fortuné pour éditer ses œuvres lui-même. Il composa d’abord des mélodrames et donna dans le mauvais genre romantique : coups de poignard et grands sentiments. L’homme noir fut représenté une seule fois, en 1837, à Dijon. Il écrivit également de la poésie, des aphorismes du genre « Cimetière veut dire : allons nous reposer, » et les Contes et Récits que les éditions José Corti rééditent maintenant. C’est là qu’il est le meilleur sans doute.

Il avait une âme procédurière ; c’est-à-dire l’humeur contrariante, chagrine, querelleuse. Il avait toujours des comptes à régler avec l’espèce humaine et des griefs à lui présenter. Apparemment, il se déplaça très peu durant son existence. IL séjourna quelques années à Paris. Il fit aussi ce Voyage d’agrément de Beaune à Autun, dont il publia le récit en 1851. Forneret fut tout près de faire une littérature de chef-lieu de canton et de comices agricoles, mais il aimait trop déconcerter et déplaire, ce qui est souvent la même chose. Les personnes qui désiraient le lire étaient priées de s’inscrire sur liste, chez l’imprimeur. Leur « candidature » devait, en effet, recevoir l’approbation de l’auteur.
Et les femmes dans cette existence ? L’impossible Monsieur Xavier déplorait que les femmes fussent « contraintes de manger, même des fraises dans du lait ». Il n’aimait sans doute que les purs esprits... Et Jeanne, cette cousette dijonnaise rencontrée en 1845, n’est pas un ange. Tout se termina très mal. Il eut ensuite deux fils avec Emilie, une demoiselle de Beaune. Il composa un poème pour le premier : « À mon fils naturel ».

Forneret mourut en Bourgogne le 7 juillet 1884, à l’époque où la France offrait à l’Amérique la statue de la liberté. C’est cela une vie, entre la bataille de Wagram et les débuts de la modernité américaine. « Nous sommes tous des malades incurables parce que nous sommes tous du monde, » avait écrit Monsieur Xavier.

Extrait de L’impossible Monsieur Xavier par François Bott, Le Monde, rubrique “Histoires Littéraires”, 11 février 1994.

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